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Recommandations sur les dispositifs d'ancrage" (R430)

27 Mai 2016, 08:00am

Publié par VASSEUR SANDRINE

Depuis la mise en application de la Directive Européenne 89/686/CE sur les EPI, notre profession n’a cessé d’attirer l’attention de la Commission Européenne et des Ministères du Travail des différents pays membres sur l’aberration de vouloir tenir les ancrages à l’écart des EPI sous prétexte que, par définition, ils ne sont ni « portés » ni « tenus ».

La principale conséquence de cet entêtement est d’avoir installé à leur égard un vide juridique préjudiciable. De nombreuses questions relatives à la pertinence des solutions, à leur qualité et leur pérennité, sont restées sans réponse et sont sources de litiges. De son côté, le marché a profité de l’absence de réglementation pour offrir des soi-disant « lignes de vie » se résumant à des câbles terminés pas des serres câbles, parfois en nombre insuffisant et souvent mal montés, le prix faisant loi. La sécurité n’y a rien gagné.

Mais les temps changent. Une recommandation sur les dispositifs d’ancrage émise par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés comble pour la première fois et officiellement ce vide technique et réglementaire auquel ni la Norme Européenne, ni les services de l’Etat, n’ont encore remédié en dépit de l’urgence. Ce document a donc le mérite de prendre l’initiative d’apporter un certain nombre de réponses et de prendre position sur la plupart des problèmes importants auxquels de nombreux professionnels et maîtres d’ouvrage sont confrontés. Il nous a paru intéressant d’éclairer les principaux points abordés dans ce document.

Sources à partir : OFFICIEL PREVENTION, SYNAMAP, CNAMTS, INRS,

Pourquoi ne pas exiger une attestation de conformité à la norme EN 795 ?

Les dispositifs d'ancrage, ancrages fixes et lignes de vie à support flexible ou à rail (classes A - C - D), sont décrits dans la norme européenne EN 795 mais ne sont pas couverts par la directive EPI 89/686/CE. Ils échappent donc à toute contrainte garantissant la qualité et la fiabilité des dispositifs et de leur mise en œuvre. Ce n'est toutefois pas cette absence de tutelle réglementaire qui empêche de se référer à cette norme pour fixer un cadre qualitatif à ces dispositifs. La CNAMTS franchit ce pas et recommande à tous les décisionnaires d'exiger une installation d'ancrage conforme à la norme, précisant que le« fabricant devra justifier d'une attestation de conformité à la norme EN 795 délivrée de préférence par un organisme notifié » (§ 7.2).

 

Cette recommandation, souhaitons-le, va transformer un marché où l'on croise aujourd'hui 
3 catégories de produits :

– ceux qui s'apparentent davantage à des "bricolages improvisés" qu'à des produits et qui témoignent d'une ignorance et d'une inconscience flagrantes,

– ceux qui "plus réfléchis" s'efforcent de respecter quelques principes de sécurité mais qui se passent d'apporter la preuve de leur fiabilité par des justificatifs d'essai et des notes de calcul,

– et ceux qui sont sérieux et de confiance, produits par des fabricants d'EPI antichute qui partagent une culture de la sécurité et des exigences de qualité qu'ils peuvent à tout moment justifier.

Bien que non obligatoire pour les dispositifs d'ancrage (A - C - D), les fabricants d'EPI antichute adhérents du SYNAMAP (Syndicat National des Matériels et Articles de Protection) ont fait réaliser par un laboratoire notifié par l'État des tests de conformité à la norme EN 795.

Il faut savoir que tous les laboratoires notifiés européens se réunissent périodiquement (au sein du Groupe de Travail VG 11 du Comité technique 160) pour échanger leurs expériences et harmoniser les tests en fonction des problèmes rencontrés. Cette harmonisation à l'échelle européenne garantit à l'acheteur et à l'utilisateur un même standard de qualité et de performance technique pour tous les produits quelle que soit leur provenance.

Lors des essais en laboratoire, les organismes notifiés demandent à ce que le fabriquant leur fournisse, avant les tests, les notes de calcul des différentes installations. Les capteurs mis en différents points de l’installation permettent de vérifier si les valeurs annoncées par calcul sont à 20 % près celles constatées lors des tests dynamiques. Cette validation de la note de calcul permet par la suite aux fabricants de délivrer des attestations de conformité pour les nouvelles installations qu'ils réalisent.

Enfin, pour mettre sur le marché leurs produits antichute, les fabricants d’EPI ont l’obligation de fabriquer sous procédure ISO 9001 ou de faire contrôler leur production par lots (article 11 de la Directive Européenne EPI 89/686/CE). Il est évident que ces procédures s’appliquent à l’intégralité de leur production, y compris les produits d’ancrages.

En clarifiant la situation, la recommandation de la CNAMTS apporte les éléments nécessaires pour prendre les bonnes décisions et ne plus être abusé. En contrepartie elle crée une responsabilité.

La sécurité collective ne s'impose pas obligatoirement

Rappelons la méthodologie à appliquer pour décider s’il y a lieu de recourir à une installation collective ou individuelle.

Les 3 paramètres de ce choix sont : la population, la fréquence et la durée. Ceci semble une évidence, mais il est bon de la rappeler dans ce document à l’heure où, sur le terrain, certaines administrations campent sur des positions dogmatiques conspuant la sécurité individuelle.

Non, la sécurité collective ne s’impose pas "obligatoirement". Si la population des intervenants est parfaitement répertoriée, si la fréquence est relativement importante mais la durée d’intervention courte, on peut avoir recours à des moyens de protection individuelle.

En fait, la question subsidiaire à laquelle on devrait à chaque fois répondre est la suivante : « la contrainte du port du harnais et de s’attacher » est-elle acceptable ou dissuasive ? Si on se pose, à chaque fois, cette question en se mettant à la place de ceux qui vont avoir à la vivre, on a, là aussi, un élément de la réponse.

Sur les toitures, faire marcher sa tête

Ce document de la CNAMTS apporte aussi des réponses à des questions qui ont fait couler beaucoup d’encre, notamment sur les risques encourus sur les toitures. Tout est affaire de bon sens.

Sur des toitures en pente avec une couverture en bac acier, le risque de glissade puis de chute légitime une protection collective en périphérie de la structure, pour peu que cette toiture ne possède pas de translucides. Pour des toitures en fibrociment où le risque est sur l’intégralité de la surface lié à la fragilité du matériau, la protection individuelle s’impose.

Sur les toitures plates, il est évident que, si la largeur du bâtiment est conséquente et que l’intervenant se trouve en son centre, on voit mal comment il pourrait chuter. Il sera difficile de lui faire admettre le port du harnais. En revanche, dès qu’il pénètre dans la zone périphérique de cette toiture, la chute est possible. Si la recommandation R424 sur les dispositifs d'ancrage fixait une distance de principe à 3 mètres du bord, la nouvelle recommandation R430 a supprimé cette valeur. Cette distance doit tenir compte de la hauteur de l’acrotère, et peut être minorée selon sa hauteur. En effet, pensez-vous qu’un intervenant acceptera de porter son harnais si l’acrotère fait 0.90m ?

Finalement, s’il n’y pas d’infrastructures nécessitant de fréquentes opérations de maintenance,dans cette zone des 3 mètres, les seules interventions annuelles nécessaires restent le contrôle des descentes d’eau et l’entretien de la zone. De ce fait, pour sécuriser cette zone, on peut avoir recours à des solutions de protection individuelle. Cette zone à risque doit être signalée : peinture au sol, potelets et chaînettes, etc.

Comment parer aux installations dangereuses ?

Il y a quelques années, nous avons alerté le Ministère du Travail sur la présence d'installations que nous jugions dangereuses. L’exemple que nous citons toujours est cette installation de ligne de vie conçue pour le nettoyage des vitres d’un musée : les câbles étaient fixés sur les profilés aluminium des vitres !

Sur ce point notre syndicat le SYNAMAP a déjà entamé la lutte avec son Guide d’installation des dispositifs d’ancrage permanent selon la norme EN 795 pour les EPI contre les chutes de hauteur.

La CNAMTS va plus loin. Elle oblige à sensibiliser les futurs installateurs aux dispositifs qu’ils seront amenés à poser, « ces formations devront insister sur la finalité du matériel installé ainsi que sur l’importance d’assurer une parfaite pérennité de l’installation » (§ 7.1). Pour ce faire, les produits installés doivent être fabriqués dans des matériaux offrant cette pérennité (inox, acier galvanisé, …)

Outre cette sensibilisation, il est aussi nécessaire de recevoir une formation "nominative" pour bien comprendre les règles auxquelles ces installations sont soumises. A quelle valeur est sollicitée une interface intermédiaire ? Quelle est la force qu’il faut prendre en compte en cas de chute ? Calcul à la limite élastique ou à la rupture ? Quel couple de serrage ?

Telles sont les différentes questions auxquelles un installateur devra savoir répondre. Cette formation permettra à l’entreprise d’habiliter son personnel pour de tels travaux.

Pas de sécurité assurée sans contrôle régulier des dispositifs d'ancrage

A ce jour, aucune obligation n’imposait le contrôle des dispositifs d’ancrage. Seuls les décideurs responsables, considérant le dispositif d’ancrage au même titre qu'un harnais ou qu'un antichute, lui appliquaient la même fréquence de contrôle. Mais ils n’étaient pas la majorité.

Par ailleurs trop de sociétés ont accepté des dispositifs d’ancrage pour lesquels elles n’ont ni note de calcul, ni attestation de conformité, bref aucune référence technique prouvant leur validité. A l’heure où il faut intervenir, sur quoi s’appuyer pour donner le feu vert à l’utilisation de ces soi disant "dispositif de sécurité" ? Eh oui, quand on achète un prix, on en a toujours pour son argent !

La recommandation de la CNAMTS exige que le dispositif d’ancrage soit « maintenu en état de conformité avec les règles techniques de conception et de construction applicables lors de sa mise en service ». Ce constat d’origine est indispensable. Le texte précise la nécessité « d'une vérification tous les ans…..selon un plan pluriannuel permettant à terme une vérification complète de l’installation ».

Pour les ancres structurelles scellées dans le béton, un contrôle périodique est préconisé. La valeur de test et la durée, rappelée dans ce texte (§ 9.3), sont celles retenues dans l’annexe A de la norme EN 795. Il en va de même des installations sur structure métallique qui doivent être contrôlées au couple à l’aide d’une clef dynamométrique. La périodicité choisie sera fonction de la qualité de la structure d’origine, de la zone géographique, de la pollution alentour… et du degré d’incertitude acceptable pour le propriétaire des installations, en fonction des normes d’échantillonnage. Ce texte offre donc une liberté d’organisation, seule comptant la garantie de pérennité du dispositif d’ancrage.

Après la chute, l'urgence

Si ce document rappelle certaines obligations comme de ne jamais travailler seul, d’avoir été formé à l’utilisation, d’élaborer des consignes d’utilisation… il apporte aussi une nouveauté : l’obligation de prévoir des secours "d’urgence".

Pour des raisons de coût, certaines sociétés s’orientent vers des lignes de vie dont les pas entre supports intermédiaires sont extrêmement importants. En cas de chute, la flèche du câble augmente en proportion et allonge la hauteur de chute de 2 à 3 mètres parfois. Cela pose le problème de l'évacuation du travailleur. Difficulté aggravée par les systèmes "à bas prix" qui placent le câble à portée de main pour faire passer le mousqueton et qui augmentent encore la hauteur de chute.

Des essais cliniques réalisés au CHU de Besançon il y a quelques années, à la demande de la Fédération de spéléologie, ont montré qu’une personne suspendue dans son harnais peut mourir en quelques minutes sous l'effet de la pression exercée par les sangles de son harnais sur les artères fémorales. A bon entendeur…

Ce texte vient rappeler à l’entreprise ces obligations en matière de secours d'urgence ; à elle de les prendre en compte, de former son personnel à cette discipline et à veiller, au niveau du planning du personnel, à avoir dans l’entreprise un effectif toujours disponible et entraîné pour cette mission.

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